Opérant depuis la Tunisie, Samia Ben Abdallah est une entrepreneure méthodique, réfléchie. Malgré qu’elle ait obtenue il y a environ 7 ans un don de Souk at-Tanmia pour développer son projet d’entrepreneuriat, elle a mis deux ans avant d’utiliser les fonds, voulant perfectionner son projet, se donner toutes les chances de réussite.
Son entreprise, AWA, « Architect with Artisan » est une ligne de maroquinerie et accessoires, mêlant, dit son site web, « les passions de l’architecte au savoir-faire des artisans ».
Souk At Tanmia, un programme hébergé par la Banque africaine de développement (Banque) qui a vu le jour en 2012. Souk at Tanmia offre un soutien concret, soit du financement et de l’accompagnement, sous forme de formations, de coaching, de mentorat, de services d’accès au marché et de réseautage. Ce programme a appuyé directement près de 800 entrepreneurs en Égypte, au Maroc et en Tunisie.
Par la suite, en 2019, la Banque a mis en place la plateforme Entrepreneurship Innovations & Advice – North Africa (EInA). Ceci afin de promouvoir, grâce à des innovations opérationnelles dans les politiques publiques de soutien à l’entrepreneuriat, la création d’emplois durables en Afrique du Nord.
Entrevue menée par EInA avec cette architecte diplômée de l’École nationale d’architecture et d’urbanisme (Tunisie), femme entrepreneure de l’année 2021 dans le secteur artisanat en Tunisie.
Question : Présentez-nous votre entreprise.
AWA confectionne des sacs et des bijoux inspirés de l’héritage architectural tunisien, fabriqués localement, avec des artisans, et avec des matières les plus durables possibles. Notamment avec des reliquats de cuir des grandes marques de luxe. On a innové, cette année, en utilisant des invendus de la fast fashion à travers la plateforme Indigo Tunisie, distributeur des marques Zara, Bershka, Celio en Tunisie.
Nous avons depuis 6 ans produit plus de 100 modèles, vendus dans 5 pays, auprès de 1500 clients.
Q : Comment AWA a été fondée ?
J’ai participé à un appel de candidatures de Souk at-Tanmia en 2014-2015, lors de sa 2e édition, et j’ai été finaliste. Cela a été pour moi un grand moment !
Cela étant, j’ai pris du temps pour peaufiner mon projet et, au bout de deux ans, je me suis lancée. Je voulais être sûre que j’allais dans une direction qui allait être fructueuse. À la base, j’ai proposé un projet de design autour d’accessoires de décoration de maison.
J’ai réalisé que ce n’était peut-être pas le besoin le plus important en Tunisie. En discutant avec les coachs de Souk at-Tanmia, je me suis rendue compte que ce qui marcherait le plus en Tunisie serait lié à la mode. J’ai pris cela comme un gros défi, et j’ai conçu ainsi mon premier sac. L’aventure dure depuis maintenant 5 belles années !
Q : Parlez-nous davantage de cette attitude prudente ?
J’ai obtenu un don de Souk at Tanmia, et je me sentais redevable de ceux qui avaient placé leur confiance en moi.
En même temps, à l’époque, nous n’étions pas dans le marché le plus propice pour le design d’objets de décoration. L’enthousiasme des débuts de la Révolution tunisienne s’estompait.
J’ai redéfini mon projet, et le fait d’être passionnée et convaincue qu’il y avait un marché pour soutenir mon concept m’a beaucoup aidé.
Prudence et conviction ont appuyé ma démarche.
Q : Il faut aussi réussir dans l’exécution, comment cela s‘est-il passé ?
J’avais 10 ans expérience en architecture, y compris les dernières années à mon compte. Cette expérience m’a permis de développer des concepts alliant le design, l’esthétique, la culture, mais aussi la technique et la coordination de tout un réseau d’intervenants. J’avais une connaissance des moyens de production en Tunisie.
J’ai aussi reçu une formation de qualité avec Souk at-Tanmia, en développement de la stratégie, en marketing, en technique de vente, une formation fort aboutie. L’écosystème tunisien a aidé : beaucoup l’ignorent, mais en Tunisie, on ne manque pas de talents, ni de moyens de production, dans le secteur du textile, de la mode, de la maroquinerie, en artisanat. Il y a un véritable savoir-faire, une chaine de valeur innovante, de qualité.
Q : Direz-vous que vous aviez au départ une âme d’entrepreneure ?
Probablement un peu. Il faut dire que je viens d’une famille composée de membres dont la majorité travaille à son compte.
Pour ma part, je voulais trouver un travail à ma satisfaction, motivée par la volonté de faire les choses différemment, de faire autrement. Puis, en me lançant, j’ai été énergisée par le feedback des autres, par ceux qui nous encouragent, qui nous donnent de la reconnaissance, une validation.
Justement, en termes de reconnaissance, j’ai été sélectionnée trois fois de suite pour la Fashion Week de Paris, un salon professionnel de haut niveau, et cela a été pour moi une grande reconnaissance sur le fait que mes efforts allaient dans la bonne direction.
Q : Comment se sont passées ces 6 premières années avec AWA ?
Globalement, ce furent 6 belles années d’apprentissage d’un nouveau métier : faire du marketing, du commerce, de la communication, de la vente, sans oublier la partie production.
Il faut renouveler les collections, bref c’est du test and learn, un apprentissage en itération.
Maintenant, je pense avoir atteint une autre étape, avec une stratégie de plus grande ampleur, axée sur l’internationalisation.
Il me faudra consolider des partenariats stratégiques à long terme avec des partenaires fiables et engagés et augmenter mon personnel, qui devrait passer d’une petite équipe de deux personnes à une dizaine.
Q : Quelles furent les principaux défis au cours de ces 6 années ?
Les surprises positives sont plus nombreuses que les embûches. Les embûches, en fait cela devient le quotidien de l’entrepreneure. Notre rôle est de trouver des solutions. Un des grands plaisirs de ma nouvelle vie est les rencontres, hyper intéressantes sur le plan professionnel et humain, les partenariats sincères qui s’établissent.
Une des clés pour moi est de s’entourer des bonnes personnes, qui aident à aborder les embûches avec confiance et sérénité.
Q : Quels seraient vos conseils à une jeune femme qui envisage l’entrepreneuriat ?
Je lui dirais de capitaliser là où elle se différencie des autres. Ne pas faire ce qu’on fait déjà dans le marché visé. De développer quelque chose de vraiment unique. Aussi, de bien s’entourer, d’établir de bons partenariats, avec des ententes claires, bien balisées.
Bien s’entourer veut dire obtenir l’appui de mentors, avec qui on parle régulièrement, avec lesquels on établit des échanges constructifs, stimulants.
Q : Que sera AWA dans 5 ans ?
Notre marque sera distribuée à l’international. Elle sera une marque d’accessoires de mode d’inspiration méditerranéenne, qui fera un beau mélange des civilisations qui ont bâti son héritage, et avec une esthétique inspirante, engagée, contemporaine, actuelle.
AWA
https://awa.tn
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Version de cet article en arabe :
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Version de cet article en portugais :
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