Par Adil Khalis (Maroc), expert sur les questions d'entrepreneuriat et d'emploi, consultant pour la plateforme eina4jobs
Une bonne dynamique du marché de travail a commencé à se profiler au troisième trimestre 2021, dans un contexte de reprise et de réouverture de l’économie marocaine. Les indicateurs de l’emploi sont en amélioration : l’économie nationale a créé environ 642 000 postes au troisième trimestre 2021, selon l’enquête trimestrielle du Haut commissariat au plan (HCP), contre une perte de 581 000 postes une année auparavant. Il s’agit certes d’un effet de rattrapage post-pandémique, mais cela laisse présager une poursuite du rebond de l’emploi et, par conséquent, un retour au niveau d’avant crise au premier trimestre 2022.
Néanmoins, l’absorption du stock des chômeurs qui grossit d’année en année demeure un défi de taille. Environ 400 000 nouveaux chercheurs d’emplois arrivent sur le marché de travail chaque année. Cette population peine à trouver du travail malgré des recherches actives, et ce en raison de plusieurs facteurs contribuant aux déséquilibres du marché de travail au Maroc.
Le taux chômage comporte, en général, une composante conjoncturelle due aux fluctuations cycliques de l’économie (récession, baisse d’activité sectorielle) et une composante structurelle liée en grande partie à l'asymétrie de l'information sur le marché de travail. En clair, un accès difficile des chômeurs à l'information sur les offres d'emploi, combiné aux difficultés rencontrées par les entreprises pour faire parvenir leurs offres à ces chômeurs.
Le marché "caché" de l'emploi : 40 % des postes pourvus par cooptation
Cette composante dite structurelle serait la plus importante et se situerait entre 4 % et 4,5 % de la population active, ce qui voudrait dire que le chômage, dans le cas du Maroc, n’est pas toujours synonyme de la rareté de l’offre. En effet, une bonne partie de postes vacants sur le marché de travail ne sont pas pourvus dans les délais. Cette proportion est exprimée par le « taux de vacance d’emploi TVE », un indicateur qu’il conviendrait de calculer et suivre en vue d’un appariement plus optimal entre l'offre et la demande sur le marché.
Par ailleurs, en termes de recrutement, deux types de marché prévalent. Le marché "ouvert", estimé à un tiers seulement du marché global, offre d’une manière visible des emplois à travers des publications d’annonces. Diffusées en ligne, elles représentent plus de 30 % du total selon le Haut commissariat au plan (HCP). Il existe aussi un marché dit "caché" qui couvre toutes les offres d’emploi qui ne sont pas rendues visibles par une annonce et sont pourvues par le biais des candidatures spontanées. Ce marché représente une part importante du marché global de l’emploi, estimée à 67 %, dont 40 % par cooptation (HCP, 2019).
Partant de ce constat, une stratégie de recherche d’emploi gagnerait en pertinence si elle tendait compte également de cette dimension cachée du marché. Il faudrait s’appuyer sur tous les moyens par lesquels un chercheur d’emploi peut accéder à des informations pertinentes et à des opportunités d’emploi n’ayant pas fait l’objet d’un avis ou d’une annonce au public. Les pistes à explorer sont, entre autres, le réseau physique (proches, amis, ex-collègues…), le réseau virtuel et le porte à porte, un moyen qui a montré son efficacité.